Quel Etat voulons-nous ?


Publié dans le bimestriel de l'association Cahiers de la Liberté mai-juin 2012. (Télécharger ici

S’il y a bien une question à laquelle aurait dû répondre l’Assemblée constituante, avant d’entamer la rédaction de la Constitution, c’était celle-là. Pourtant, les élus de l’Assemblée ne l’ont toujours pas posée et n’en ont jamais vraiment débattu. Pourtant, sans les bonnes questions, la Constituante aura du mal à apporter la moindre réponse cohérente, dans laquelle se reconnaîtra le plus grand nombre.

L’élection de l’Assemblée constituante a été un « rendez-vous raté », les candidats ont manqué l’occasion de mener ces débats et de confronter les différentes conceptions de l’Etat et son rôle. Ces débats ont été confisqués pour une campagne médiocre en contenu, les partis ont mené des campagnes classiques pour la conquête du pouvoir.  

Pourtant, définir le rôle de l’Etat n’est pas qu’une affaire de technocrates ou de constitutionalistes érudits. Tous les citoyens ont des attentes  en matière d’action publique, c’est aux élus de les traduire politiquement et de les transcrire dans le marbre constitutionnel.

La période est propice à un changement de logiciel politique, c’est l’occasion de redessiner le fonctionnement des institutions pour éviter les erreurs du passé. La Tunisie a besoin d’un nouveau système politique qui conjugue les aspirations de sa population, dans sa diversité géographique, sociale et même culturelle.

Un débat national, ou plus modestement, un débat à l’Assemblée constituante est nécessaire pour définir l’attente des Tunisiens pour leur Etat, la définition de son rôle et le périmètre de son action et de ses missions.


Un Etat fort, dans une République décentralisée

L’Assemblée constituante se doit de réfléchir, avant les élections générales annoncées, à la répartition des compétences entre les différents échelons (national,  régional et municipal) pour une action publique plus efficiente dans les territoires.

Dans la future constitution, la cohésion régionale doit être consacrée, non comme un vœu pieu, mais comme une réalité: assurer l’autonomie politique et financière, garantir la péréquation entre les régions, en fonction des ressources.

Sans remettre en cause un Etat fort, garant de la cohésion nationale, une partie des compétences peut être dévolue, totalement ou partiellement, aux collectivités territoriales revisitées.

Des compétences dévolues au niveau pertinent

Plusieurs compétences, comme les politiques d’aménagement du territoire, de transports publics peuvent être transférées totalement au niveau régional. D’autres, comme le développement économique ou la santé publique peuvent être partagées entre l’Etat et le niveau régional, le premier en charge du cadrage, le second pour la mise en œuvre. Enfin, certaines compétences peuvent être à la charge de l’ensemble des collectivités territoriales, comme l’entretien des bâtiments publics (écoles, collèges, lycées, universités, bâtiments administratifs…).

Un Etat régalien

Il est évident que l’Etat doit garder ses compétences régaliennes. Il aura, en amont, la responsabilité d’établir le cadre et les normes dans lesquels peuvent agir les collectivités, en aval, il aura à évaluer et corriger les disparités entre les territoires. L’Etat, devra garder ses administrations déconcentrées dans les territoires (gouvernorats et délégations), sous la responsabilité de représentants nommés.

Les compétences transférées ne peuvent être que sous la responsabilité de collectivités avec des exécutifs et conseils élus démocratiquement. Il reste à réfléchir quelle forme doivent adopter ces différentes collectivités. Il faut doter le niveau régional d’un exécutif et d’un conseil élu, autonome financièrement et politiquement sur les compétences qui lui seront dévolues.

 Nouveau rendez-vous raté ?

Malheureusement, ce n’était pas le rôle de l’Etat et de ses institutions qui étaient au centre des débats, lors du vote de l’organisation des pouvoirs en novembre dernier. Non, les discussions ont porté sur les intérêts partisans des uns et des autres. or  Si les élus de la Constituante continuent à réfléchir l’Etat comme un jeu de chaises musicales pour les postes clés, et à se voir comme des représentants de leur parti et non comme des représentants du peuple, la Tunisie va rater un nouveau  rendez-vous avec l’Histoire.

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