Et maintenant ?


Aujourd’hui, la plupart des symboles de l’ancien régime sont écartés. Le gouvernement s’approche plus de celui d’une unité nationale que le faux remaniement qu’on nous a proposé après la fuite de Ben Ali. Nous pouvons considérer que le peuple a eu gain de cause et s’est enfin  fait entendre, il a montré qu’il ne se laissera duper par aucune manœuvre, qu’elle vienne des couloirs du palais de la Kasbah ou des barbouzes du vieux régime.


La tentation de la table rase

Le fait que, malgré ces acquis, certains des manifestants veuillent continuer la lutte, faire tomber jusqu’au Premier ministre Mohamed Ghannouchi et le président par intérim Foued Mbazaa, changer tous les responsables locaux, n’est pas une surprise. Un soulèvement populaire d’une telle ampleur ne peut s’éteindre du jour au lendemain. D’autant qu’il ne répondait à l’appel d’aucun parti ou organisation.


Mais ces jusqu’au-boutistes se rendront compte bien assez tôt qu’ils se trompent de priorité, la transition doit se faire avec le débat et d’une manière pacifique, même si cela prend du temps. A l’heure où j’écris ce texte, il y a des échos de violence policière pour disperser les manifestants à la Kasbah. C’est regrettable de voir que l’appareil sécuritaire en Tunisie n’a pas retenu la leçon.

Aujourd’hui, l’heure est venue de passer à une nouvelle séquence de la révolution, il faut commencer à préparer l’avenir. Toute l’opposition démocratique : les partis politiques en premier lieu, mais aussi l’UGTT et la société civile, doivent travailler à proposer une traduction politique de cette révolution. Alors que les trois commissions indépendantes se mettent au travail, il faut que les structures existantes, ou en cours de régularisation, puissent devenir des porte-paroles fidèles des opinions exprimées par les citoyens qu’ils ambitionnent de représenter.

(Re)composer avec l’existant 
L’avenir de la démocratie repose sur les épaules trop frêles d’une opposition que les 23 ans de Ben Ali n’ont pas épargnée. Les partis, parfois des micro-partis, sont peu nombreux et mal connus des Tunisiens. Ils devront se reconstruire, pour ceux qui étaient quasi décimés par le pouvoir, comme le POCT ou Ennahdha (déjà qu’ils étaient figés dans le temps). D’autres devront profiter qu’ils ont les mains libres pour se faire mieux connaître  (PDP, Ettajdid, PUP...). Sans compter ceux qui vont être enfin légalisés ou créés.
TOUS ces partis devront clarifier leur idéologie, construire leur projet politique pour le pays, le présenter aux Tunisiens, sillonner le pays, se construire des réseaux de militants… Un travail essentiel pour qu’ils puissent devenir une alternative crédible.

Devoir d'unité
Cela devra aussi passer par l’unité des partis des mêmes « familles politiques », pour mettre fin à la balkanisation de la gauche tunisienne où chaque courant de pensée se veut parti politique. A droite de l’échiquier politique, ce n’est guère mieux, j’en découvre à chaque jour : saviez-vous qu’en Tunisie il y a des Baasistes, des Nasseriens ? Des idéologies presque « exotiques ». Auraient-elles existé encore si la Tunisie n’avait pas perdu autant d’année sous la botte d’un parti unique ?

Déjà, quelques personnalités de l’opposition, dont certaines crédibles, se sont précipitées pour se déclarer candidates à la présidence. Mais, à l’heure actuelle, la Tunisie a plus besoin d’un nouveau « logiciel politique » qui nous sorte de la culture du Chef unique et omnipotent (الزعيم). Il nous faut des institutions fortes qui puissent résister et pallier les faiblesses des hommes et des femmes que le pouvoir peut corrompre. 

Aujourd’hui, tous ces partis, avant de s’affronter sur l’arène politique, devraient s’accorder sur les règles et le cadre institutionnel dans lequel ils voudraient évoluer. L’opposition doit s’unir pour peser sur le choix du modèle de démocratie qu’ils veulent pour la Tunisie. Essayer autant que possible de parler d’une même voix dans la commission supérieure de réforme politique, ils auront tout le loisir de s’affronter (pacifiquement) une fois la démocratie effective. Sans quoi, on risque de voir le RCD (sous un autre nom ou une autre forme) rester au pouvoir ou de tomber dans une surenchère populiste, parfois plus dévastatrice qu’une dictature.

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