Ne blâmez pas l’UGTT

Aujourd’hui, certains sont tentés par une relecture des événements que vient de vivre la Tunisie, à la lumière du conflit politique de la dernière semaine. Déjà, les critiques sur l’UGTT fusent, on l’accuse de vouloir « voler » la révolution, pire encore, de favoriser l’émergence du courant islamiste. C’est ainsi qu’on voit circuler dans les réseaux sociaux (Facebook ou Twitter) des appels, critiques et articles sur Abdesslem Jrad qui chante les louanges du président déchu ou qui applaudit les annonces de Ben Ali du 13 janvier.

Mais personne ne peut nier l’importance du rôle joué par l’UGTT dans la révolution, avec d’autant plus de mérite que certaines unions locales, régionales et professionnelles se sont mobilisées contre l’avis de la direction nationale, trop compromise avec le pouvoir. Je pense à l’UGTT de Sidi Bouzid, en tête des manifestations,  dès le début du soulèvement. A Sfax, ils ont  réuni des milliers de manifestants et les Fédérations (Santé, Education, Poste…) ont, dès le début des révoltes, appelé à des grèves en solidarité avec les manifestants. La direction nationale a même tenté de se débarrasser de plusieurs militants, en les passant devant la commission de discipline de la centrale syndicale. Mais le mouvement, ayant pris l’ampleur qu’on connaît, la direction nationale a dû céder. Il ne faut donc pas juger les positions de l’UGTT par rapport au passif d’une direction compromise et sur le départ.

Les revendications d’UGTT sont légitimes

Farhat Hached (1914-1952)
fondateur de l'UGTT
Les exigences de la Centrale, pour la sortie de crise, restent malgré tout dans le cadre constitutionnel et un grand nombre de ses revendications ont été satisfaites : création de commissions indépendantes, amnistie pour les prisonniers politiques, dissolution des sections professionnelles du RCD, gel des propriétés du président destitué et de ses proches… Mais l’essentiel reste à faire :  le retrait de personnes issues du RCD et suspectées d’être parties prenantes aux exactions de l’ancien régime. Cela ne devrait évidemment pas impliquer, ni le président par intérim, ni le Premier ministre dont le maintien demeure primordial pour le respect a minima la constitution. Mais tout les ministères régaliens sont restés entre les mains de « nouveaux anciens » du RCD, ce sont des postes stratégiques pour la suite des événements (accès aux archives, relations avec les puissances étrangères, organisation de futures élections). L’UGTT et d’autres acteurs politiques sont conscients que cette situation peut compromettre l’avenir démocratique du pays et le droit d’inventaire pour solder l’ère Ben Ali.

Mauvais timing et message brouillé.

L’UGTT a  enchaîné maladresses et messages contradictoires pendant et après la révolution. C’est, en partie, dû à la complexité des rapports de forces en interne, entre les différentes tendances qui la constituent. Mais son erreur principale a été  son passage furtif dans le gouvernement de transition. Comment ont-ils accepté de participer à un gouvernement, sans avoir posé leurs conditions en amont ? Sans avoir une vue globale sur sa composition ? Cela dit, la participation de l’UGTT au gouvernement ne peut être justifiée qu’au regard de la situation exceptionnelle que traverse le pays, en effet, en temps normal ce n’est pas l’objet d’une organisation syndicale.

Aujourd’hui, l’heure est à l’unité nationale et une partie de l’opinion ne comprend pas l’obstination actuelle de la centrale syndicale et  son jusqu’au-boutisme à vouloir effacer tous les résidus de l’ancien régime.  Si les ministres du RCD, devenus illégitimes, ne veulent pas se montrer responsables et continuent de s’accrocher à leur  poste, c’est à l’UGTT de l’être en:

  •         Prenant acte de la nécessité de ce gouvernement tout en s’assurant de son caractère transitoire.
  •           Agissant au niveau qui est le sien (syndical), en mobilisant les fonctionnaires et salariés, pour contrer toutes les tentatives de disparition d’archives ou de preuves compromettantes.
  •           Exigeant la transparence sur la gestion de l’après Ben Ali.

Cette période de transition est surtout une opportunité pour réaliser et acter des avancées sociales en Tunisie. L’UGTT se doit de saisir cette opportunité pour de nouveaux acquis sociaux.


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